« Cinq soldats syriens et deux miliciens iraniens ont été tués dans un bombardement israélien ». Les cibles de l’attaque sont des dépôts d’armes, des systèmes anti-aériens et des drones contrôlés par le Hezbollah. Pourquoi l’intensité des frappes israéliennes augmente-t-elle maintenant ?
Au moins cinq soldats de l’armée d’Assad sont morts, hier soir, dans une attaque israélienne à l’est et au sud de la capitale syrienne, Damas, selon l’agence de presse d’État « SANA ». On rapporte que l’attaque a eu lieu à l’aéroport international de Damas et que la cible était une cargaison d’armes iraniennes fraîchement débarquée. Le Centre syrien des droits de l’homme, affilié à l’opposition, a fait état de sept morts, dont deux parmi les milices iraniennes. Le directeur du centre a affirmé que l’attaque visait également la zone d’A-Sayida Zainab. Il a signalé que, dans la même zone, se trouvaient des dépôts d’armes, un système anti-aérien et des drones sous la supervision du Hezbollah et des milices iraniennes. Le trafic aérien de l’aéroport n’a pas été perturbé. L’IAF n’avait pas attaqué l’aéroport de Damas depuis que l’Iran a déplacé une partie de ses cargaisons vers l’aéroport d’Alep, durement touché durant les semaines précédentes.
Pourquoi cette augmentation de l’activité aérienne israélienne en Syrie ?
Le rythme des opérations aériennes israéliennes, ces dernières semaines, reflète une préparation plus générale à la confrontation, alors que la région entre dans une nouvelle phase. L’aviation israélienne a lourdement frappé l’aéroport d’Alep, le 6 septembre. Cette opération suivait de près une précédente sur la même cible, le 31 août. Le raid aurait endommagé la piste, la mettant hors service. Selon Sana, des missiles seraient partis de Méditerranée à l’ouest de Lattaquié, sur la côte syrienne. Ils visaient un entrepôt utilisé par l’armée syrienne.
North Press, un site kurde, cite une source à l’aéroport d’Alep, affirmant que les tirs visaient un avion à destination de Najaf, dans le sud de l’Irak, avec à son bord deux hauts responsables du Hezbollah, dont un commandant d’une alliance régionale soutenue par l’Iran ». Ce récit recoupe les propos de Ram Ben-Barak, ancien n°2 du Mossad, président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, disant que : « L’attaque a démontré que certains avions ne pourraient pas atterrir et nous avons relayé le message suivant à Assad : si des avions, dont le but est d’encourager le terrorisme atterrissent, c’est la capacité de transport de la Syrie qui en sera la première affectée ». L’opération s’inscrit dans une longue suite de frappes attribuées à Israël, comme dans la campagne de l’ouest d’Hama, le 25 août.
Le 27 août, la base russe de Khmeimim s’est vantée du succès des systèmes russes Pantsir S-1 et S-75, exploités par l’armée syrienne, qui auraient abattu certains missiles frappant le Centre d’études et de Recherches de Masyaf, un nid de frelons terroristes, que vise fréquemment la puissance aérienne israélienne.
Le 15 août, des frappes ont visé des postes militaires syriens, dans le gouvernorat de Tartous et de Damas, faisant 3 morts. Le 12 août, on relevait 2 blessés dans un bombardement au nord de Quneitra, près de la frontière sur le Golan israélien. On estime que 24 opérations aériennes israéliennes ont eu lieu contre des cibles iraniennes en Syrie depuis le début de l’année. Aussi, six attaques depuis un mois représentent une nette augmentation de ce rythme. Le ciblage spécifique de l’aéroport d’Alep est lié aux récentes indications disant que l’Iran compte de plus en plus sur son « pont aérien », en raison du ciblage israélien réussi et systématique des efforts cherchant à déplacer des armes et des équipements par voie terrestre.
La plus grande compagnie aérienne civile syrienne, Cham Wings, a détourné tous ses vols vers l’aéroport de Damas, après les frappes. Le Trésor Américain sanctionne Cham Wings depuis 2016 , en raison du fait que la compagnie joue un rôle actif dans l’acheminement d’armes et de miliciens entre l’Iran et la Syrie. Mais ce n’est pas le seul motif d’accélération du rythme d’activité de Tsahal dans le ciel syrien.
Le retrait russe de Syrie
Il n’y a aucune perspective de retrait complet de la Russie. La base aérienne de Khmeimim et les installations navales de Tartous et Lattaquié sont des atouts stratégiques et Moscou les maintiendra.
Poutine tient également à conserver Assad au pouvoir. Néanmoins les Russes sont occupés par leur campagne militaire qui vacille clairement en Ukraine. Moscou n’a pas la capacité de mener deux engagements stratégiques à la fois. La société de israélienne de renseignements ImageSat International a révélé fin août, des preuves du démantèlement et du renvoi en Russie du S-300 déployé en région de Masyaf. On dispose de preuves que la société de mercenaires Wagner recrute activement dans les prisons russes, ainsi que parmi les Syriens favorables au régime. Elle envoie des volontaires syriens comme chair à canon pour soutenir l’effort russe en Ukraine. Curieux renversement des rôles.
L’Iran cherche plus de liberté de mouvement en Syrie
Téhéran essaie de profiter de la vacance russe. Mais cela facilite aussi le travail d’Israël pour l’en dissuader. L’Iran essaie d’augmenter des activités à mesure du retrait russe, mais il est plus vulnérable aux actions israéliennes, dont la marge de liberté a augmenté d’autant. D’autre part, sauf surprise de dernière minute, il n’y aura pas de retour au JCPOA avant les élections américaines de mi-mandat. Compte-tenu de la détermination israélienne à faire reculer les ambitions régionales de l’Iran, la confrontation devient plus probable.
Les déclarations d’Hassan Nasrallah, chef de la franchise libanaise du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, mérite qu’on y prête attention.
Dans la sécurité israélienne, on les a interprétées comme une tentative du chef du Hezbollah de récupérer une partie de la légitimité publique perdue de son mouvement, en se présentant comme le seul défenseur des ressources énergétiques du Liban. Mais la défiance accrue du chef du Hezbollah reflète l’ouverture d’esprit plus général, chez les supplétifs iraniens et les organisations franchisées, qui révèle une plus grande préparation au risque d’affrontements avec Israël, dans la période qui approche. Par ailleurs, l’Iran est devenu membre à part entière de l’Organisation de Shanghai, dirigée par la Chine, lors du sommet de l’organisation à Samarcande, la capitale ouzbèke. Les achats de pétrole chinois ont permis aux Iraniens de contourner la stratégie de « pression maximale » de l’administration Trump. L’échec actuel de l’administration américaine en diplomatie nucléaire renforce la conviction, à Téhéran, que les États-Unis sont une puissance sortante au Moyen-Orient.
Dernier point : Israël change de posture sur la gamme des activités iraniennes dans la région. C’est le tournant illustré par David Barnea, patron du Mossad, dans son discours d’Herzlya. Il a déclaré à son auditoire que « les dirigeants iraniens doivent comprendre que les attaques commises par des supplétifs, contre Israël ou des Israéliens, se heurteront à une réponse douloureuse contre les responsables iraniens sur le sol iranien. Nous ne poursuivons pas des seconds couteaux, mais ceux qui les ont armés et donnent les ordres, et ces représailles se produiront en Iran ».
Des deux côtés, on sent donc une volonté plus grande de confrontation. La portée et l’audace croissantes de l’activité aérienne israélienne reflètent ce climat changeant.