Interview exclusive. Chochana Boukhobza :
Des blessures au service des mots. 2013
par Lydie Turkfeld.
Un café parisien. L’heure des séances de cinéma approche et la brasserie résonne du bruit des clients qui investissent les salles obscures.
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Chochana Boukhobza est en face de moi, chaleureuse. Chochana Boukhobza écrit à la manière des Talmudistes, réinterrogeant sans cesse ce qui fait sens dans les phrases et les histoires. Sa manière d’envisager la littérature, le monde et ses contemporains, est sans concessions : elle scrute, inspecte, réexamine; si les mots résistent à la « pression », ils seront publiés. Livré aux regards et au ressenti d’autrui. Dignes d’être partagés. Jugés aptes à ouvrir la réflexion, à éclairer les consciences, à bouleverser l’âme. Suffisamment percutants. La romancière est prête à aborder toutes les sphères de l’existence et de la création artistique. Sans langue de bois. Avec son caractère et elle n’en manque pas ! L’éclat particulier de son regard en témoigne, acéré, qui vous enveloppe… Une femme magnétique et rare.
Vous êtes née à Sfax, votre famille a quitté la Tunisie lorsque vous aviez quatre ans. Avez-vous des souvenirs de votre vie là-bas ? Cela a dû constituer un arrachement, pour votre famille ?
Chochana Boukhobza : Non. Mais je parle arabe. Mes grands-parents paternels ont vécu à la maison jusqu’à leur départ pour Israël. J’ai grandi à Paris, avec eux : ils ne parlaient pas le français ; la seule manière de communiquer était de parler leur langue. On a trouvé un compromis : eux « pensaient » parler français et moi, je « pensais » parler arabe ! Ce qui explique que mon arabe soit si particulier, intime aussi…Les gens qu’on aime, ce sont des présences impalpables, ils restent auprès de nous et on entend leurs voix, jusqu’à la fin. Bizarrement, ils étaient préparés à l’exil, bien que nés à Sfax depuis sept générations. La Tunisie étant un protectorat français, ils y étaient déjà des étrangers, de par le choix de leur langue. Et puis, ils étaient animés par l’espérance d’Israël. La plupart de mes cousins et cousines, oncles et tantes, sont partis en Israël : ce n’était pas du sionisme, ils étaient religieux et avaient la conviction qu’une terre les attendait. Quitte à partir, autant que ce soit pour construire un pays…
Etes-vous retournée en Tunisie ?
CB : Non. Je n’y suis pas revenue depuis. Mes parents ne m’ont jamais décrit une rue ou la maison où nous habitions… La mémoire est très étrange : lorsqu’on fait parler les gens, on s’aperçoit que le film intérieur de leur vie reste constamment devant leurs yeux mais qu’ils sont incapables de le retranscrire. Ils transmettent des bribes, assez décousues, qu’il faut relier avec un fil blanc qu’on se fabrique en entendant les souvenirs.
Cette difficulté, ce refus, d’évoquer le passé, se retrouvent chez les personnes ayant vécu de graves traumatismes…
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CB : C’est vrai. De toute façon, il faudrait des vies entières pour raconter à ceux que l’on aime, notre passé. Les exilés font le choix du présent et de l’avenir : ce n’est pas la peine de s’engluer dans une nostalgie qui ne permet pas la survie. C’est compliqué, de survivre. Mes parents sont arrivés avec cinq dinars en poche, ils ont été d’un courage fabuleux car nous étions sept et mon père s’est battu pour nous tous…
Votre grand-père était rabbin et kabbaliste. Vous a-t-il transmis le Judaïsme ?
CB : Notre conversation était limitée à des choses quotidiennes. Mais, il y a une empreinte qui durera toute ma vie : quelque chose d’extrêmement fort est donné par le texte, par le questionnement devant ce texte, par le doute aussi qui parcourt des générations entières de gens qui ont travaillé et réfléchi sur le texte…Entre mon grand-père et moi, il y a une continuité et une rupture, dans la mesure où lui, était dans l’écriture du sacré et que moi, je suis dans l’écriture du profane. Nous nous rejoignons dans la bataille du mot, du sens du mot. D’ailleurs, l’un des manuscrits de mon grand-père –qui écrivait en judéo-arabe—sera bientôt traduit et publié en Israël. Sa pensée est d’une puissance inouïe !
La suite de l’article se trouve dans le prochain numéro d’Israël Magazine
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