Aéroport de Ramon : nouveau geste en faveur des Palestiniens

Par Bertrand Ramas-Muhlbach

Le 22 août 2022, des Palestiniens (résidant dans les zones A et B de Judée-Samarie sous contrôle palestinien) ont, pour la première fois, été autorisés à prendre l’avion depuis l’aéroport israélien de Ramon pour se rendre en Turquie. Amir Assi (consultant ayant coordonné le vol) a ainsi annoncé que 43 palestiniens (originaires de Bethléem, Jéricho, Ramallah et Naplouse) y avaient embarqué pour rejoindre l’aéroport de Larnaca (à Chypre) avant de relier la Turquie. Cette faculté d’utiliser une infrastructure israélienne est une nouvelle mesure (révolutionnaire prise par Israël) d’assouplissement offerte aux Palestiniens de Judée-Samarie destinée à améliorer leurs conditions de vie.

L\’idée avait été évoquée le 7 juillet 2022, lors de la rencontre entre Benny Gantz et le président palestinien Mahmoud Abbas. Le Ministre israélien de la Défense l\’avait alors présentée comme participant des nombreuses mesures destinées rendre le quotidien des Palestiniens plus agréable.  Faute que le Président américain ne l’ait annoncé aux Palestiniens lors de sa visite à Ramallah (le 15 juillet 2022), certains ont immédiatement fait part de leur vif intérêt lorsque le journal Israël Hayom en a (le 21 juillet 2022) officiellement annoncé la mise en œuvre.

Historiquement, les Palestiniens des zones A et B de Judée-Samarie éprouvent les plus grandes difficultés pour se rendre à l\’étranger. Interdits d’emprunter l’aéroport Ben Gourion (à proximité de Tel Aviv), leur seul moyen de le faire consiste à prendre l’avion depuis l’aéroport Jordan (situé en Jordanie). Ils sont alors tenus de franchir le pont Allenby (également connu sous le nom pont King Hussein) à la frontière jordanienne, avec toutes les contingences, en terme de délai d’attente, lors du contrôle transfrontalier.

Certes, sur le plan sécuritaire, le mode opératoire devrait rester d’une certaine complexité : organisation et procédure d\’inspection pour l’entrée en Israël, embarquement et sécurisation des vols… L’État juif devrait gérer ces aspects avec la compagnie aérienne Turkish Pegasus Airlines qui assurera les vols directs de l\’aéroport de Ramon à Istanbul (tout comme elle se charge des vols directs de la Turquie vers Israël).

Bien qu’il s’agisse d’une formidable opportunité pour les Palestiniens, la mesure a naturellement irrité le porte-parole du ministère des Transports de l\’Autorité palestinienne : ce dernier a appelé les résidents à ne pas utiliser l\’aéroport de Ramon « car ce mode de transport » serait « préjudiciable à la souveraineté palestinienne ». Effectivement, il est fondamental pour les dirigeants palestiniens d’enfermer (géographiquement et intellectuellement) les Palestiniens, de sorte qu’ils imputent à Israël leurs conditions  vie misérable (bien que l’AP et le Hamas en soient les seuls responsables). Par ailleurs, il convient pour l’AP de préserver les bonnes relations avec la Jordanie pour qui, les voyages palestiniens procurent des ressources substantielles.

Côté israélien, l’avantage procuré par la mesure est double : d’une part, l’État juif contribuera à améliorer la vie des Palestiniens (et ne pourra plus être taxé d’être l’empêcheur de tourner en rond), et, d’autre part, elle va offrir un nouvel essor à l’aéroport de Ramon (conçu pour développer le tourisme dans la région d’Eilat), en grande difficulté depuis 2 ans.

La construction de l’aéroport de Ramon avait été imaginée en 2004, mais l’inauguration ne s’est faite qu’en janvier 2019, à la suite de deux reports causés par les conditions difficiles de construction (le coût s’est élevé à 1,7 milliard de shekels soit environ 460 millions de dollars).

Précédemment, les touristes désirant se rendre à Eilat devaient emprunter soit l\’aéroport d\’Ovda (base aérienne militaire située à 65 km d\’Eilat), soit l\’aéroport d\’Eilat (au cœur de la zone résidentielle située dans le centre de la ville). Or, la taille de ces aéroports était inadaptée pour le développement d’un tourisme international de grande envergure. La mise en service de l\’aéroport de Ramon s’est donc accompagnée de la fermeture de celui d’Eilat.

L’aéroport de Ramon porte le nom du premier astronaute israélien (et ancien pilote de chasse), Ilan Ramon, tué (avec six autres astronautes) lors de l\’explosion  de la navette spatiale américaine Columbia survenue en 2003 (lorsqu’elle est entrée dans l\’atmosphère). Il a été conçu par deux des plus grands cabinets d\’architecte d\’Israël – Amir Mann-Ami Shinar Architects and Planners, et Moshe Tzur Architects & Town Planners Ltd : le premier est connu pour avoir planifié les structures de soutien de l\’aéroport international Ben Gourion alors que le second l’est pour avoir conçu de nombreux immeubles de grande taille (comme la tour Azrieli Sarona à Tel-Aviv).

Situé à 18 km au nord d\’Eilat, l\’aéroport de Ramon s\’étend sur une superficie de 14 000 acres. Construit pour être 100 fois plus grand que l\’aéroport d\’Eilat, le ministre israélien des Transports a même ordonné l\’extension de ses pistes d\’atterrissage de 3 100 m à 3 600 m, pour permettre l\’atterrissage de gros avions comme le Boeing 777 ou l’Airbus A 380.

S’il est présenté comme le deuxième plus grand aéroport d’Israël (après l\’aéroport Ben Gourion), il est en réalité le premier aéroport civil israélien construit depuis la création d\’Israël. En effet, Ben Gourion n’est qu’une extension de l’aéroport construit sous le mandat britannique. L’idée était en fait de permettre à des milliers de touristes amoureux d’Eilat et de sa région de s’y envoler sans passer par le nord d’Israël.

Dans les prévisions (lors de son ouverture), il devait accueillir 1,5 million de passagers par an sur les vols intérieurs et 350 000 passagers sur les vols internationaux, avec une augmentation prévue de la fréquence des vols pour en recevoir jusqu’à 4,25 millions. Si l’objectif a été atteint la première année de son exploitation, la pandémie du Covid a rapidement paralysé son développement. En mai 2022, un journal d\’affaires israélien a d’ailleurs déploré une insuffisance de la fréquentation et l’absence de décollage du volume de passagers.

En permettant aux Palestiniens de voyager depuis le territoire juif, l’Etat d’Israël poursuit plusieurs objectifs : ils convient, tout d’abord, de démontrer aux palestiniens que l’AP est parfaitement inutile et qu’elle ne dispose d’aucun rôle décisionnaire sur le plan politique. Par ailleurs, les Palestiniens doivent être sensibilisés sur le fait que la paix avec Israël vaut mieux que la haine et les comportements agressifs inadaptés.

Dans sa dimension agressive à l’égard de l’Etat juif, le Hamas avait annoncé (lors du conflit de mai 2021) que sa nouvelle roquette « Ayyash », d’une portée de 250 km, lui permettait d\’atteindre l\’aéroport de Ramon. Dès lors, et bien que situé à 250 Km des zones A et B de Judée-Samarie, les Palestiniens doivent montrer leurs prédispositions paisibles. A défaut, l’accès à l’aéroport leur sera interdit.

La presse avait présenté cette mesure comme un nouvel acte de « normalisation » avec Israël (après l’augmentation des permis de travail et l’ouverture des points de passage). Les Palestiniens doivent donc saisir leur nouvelle chance.

Note de la Rédaction : De nombreux Israéliens n\’ont pas apprécié ce nouveau passe-droit en faveur d\’un groupe hostile, avec de nombreux attentats qui s\’égrènent tout au long de l\’année. Ils le jugent à l\’aune de la faiblesse des actuels gouvernants.