Et Pierre Palmade devint un problème

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Et Pierre Palmade devint un problème

 

Par Gilles Falavigna

 

 

L’accident de Pierre Palmade et ses amis est en toujours en digestion 48 heures après l’événement. Elle ne passe pas, se nourrissant d’elle-même.

 

Il ne s’agit pas d’un fait divers et l’occasion se présente de distinguer le fait divers de l’affaire politique. Nous tenterons rapidement de mettre en évidence une mécanique générale.

La banalité du fait divers

Le fait divers s’inscrit dans une forme de normalité. Il y a des accidents de la route. Ils sont nombreux. Des vies s’arrêtent. D’autres vies sont brisées. Certaines, dans le cas Palmade, n’auront pas commencé.

Le fait divers rappelle que tout cela est dommage, tragique, voire pathétique ou insupportable. La normalité est statistique. Il y a un ordre des choses à l’inéluctabilité. Il faut faire son deuil pour accepter la dureté de la vie.

Celui par qui le scandale arrive

L’effroi se réfère à la normativité. L’accident aurait pu être évité. Il suffisait de se conformer aux règles de vie sociétale. La cause des accidents est en premier lieu « la vitesse » excessive. Il y a les stupéfiants, l’alcool. Cela est vrai ou ne l’est pas. Mais en l’absence de preuve tangible d’une autre cause, celle de la vitesse est retenue. Il faut des statistiques.

 

Notre société de droit ne réclame pas obligatoirement un coupable. Elle réclame nécessairement un responsable.

 

L’affaire politique  concerne les faits dont la cause est politique et idéologique. Il y a mensonge, trahison et crime.

« C’est pire qu’un crime, c’est une faute ! » est la formule attribuée pour l’exécution du Duc d’Enghien.

De la nécessité du mensonge en politique

L’affaire politique pourrait, par ce propos, trouver sa justification par le pragmatisme. La faute serait alors pire que le crime. Le fait politique ne serait qu’un résultat contraire à l’attendu. Pour l’affaire du Duc d’Enghien, tuer un innocent permettait de réduire les royalistes. Ce fût une coalition contre la France et la guerre.

Le mensonge se fait jour. Le pot aux roses est découvert pour devenir scandale. Jusque-là tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Guerre au terrorisme ou au \ »déséquilibre\ » ?

Il y a souvent des tentatives de faire des affaires politiques de simples faits divers. Les meurtriers des attentats terroristes deviennent des déséquilibrés pour qui refuse de reconnaître être en guerre. L’ennemi, le terroriste lui, est bien en guerre.

Mila, jeune fille menacée de mort pour ses choix de vie ne serait que la victime des réseaux sociaux, les véritables coupables.

Lola, jeune adolescente massacrée par une maghrébine en situation irrégulière ne serait que la victime du destin pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. Elle est donc victime d’un accident.

S’il y a débat sur les affaires Charlie Hebdo et l’assassinat de Samuel Paty, cela porte aussi sur la liberté d’expression. Ils ne seraient qu’une querelle qui finit mal. Les discours qui veulent que la victime des attentats soit l’Islam par amalgame visent à ramener les attentats dans la sphère privée du fait divers.

De l\’empathie à la révolte

Il n’y a pas d’accident pour une affaire politique. Il y a homicide éventuellement involontaire de la part du politique.

A l’annonce de l’accident de Pierre Palmade, un premier mouvement médiatique se mettait en œuvre. Une célébrité est touchée. Une célébrité fait un peu partie de la famille, au premier cercle de la presse puis par cet intermédiaire du public. Le bon ton est d’exprimer de l’empathie.

Vie de drogué et de dépravé

Puis, après être la victime de l’ordinaire, Palmade, serait responsable.

Enfin, la responsabilité serait aggravée par l’état de Palmade drogué. Il serait en compagnie de prostitués homosexuels et sous leur emprise.

Quelques jours après l’accident, les circonstances sont plus évidentes et Palmade subit une déferlante de haine sur fond d’homophobie.

 

Entre faits divers et affaires politiques, la vraie question est d’identifier pourquoi cet acharnement ? Son homosexualité, son mal-être concomitant, sa vie dissolue de drogué sont connus et bien connus. Il y a une sorte de défouloir. Face à tous les interdits d’expression, il est possible de se lâcher sur l’ambulance. Ce n’est pas tant l’individu Palmade qui est ciblé que le bouc-émissaire indirect et conséquence de toutes les frustrations.

– « Est-ce une révolte ?

–  Non, sire, c’est une révolution. »

Les rôles sont aujourd’hui inversés. Il n’y a pas de révolution possible. La révolte est, elle-même impossible. La chape morale est trop lourde. Les valeurs préservées ne sont plus représentatives. Les objectifs des gilets-jaunes sont dans le court terme.  Alors s’en prendre à Palmade est un cri du cœur, quand bien même il serait un cri de haine. La responsabilité politique est également totale.

C’est en cela qu’il s’agit bien d’une affaire politique.

L’idéologie dominante est minoritaire. Il en est souvent ainsi pour ne pas dire toujours. La démocratie serait le moins pire des systèmes. Le postulat est, quoi qu’il en soit, inattaquable. L’ordre démocratique règne par le conformisme social.

La morale au-dessus des lois

Le problème profond de cette pensée dominante est de ne pas être claire et précise. Elle a établi une morale. Cette morale se veut supérieure à la loi. Vous ne voulez pas de l’Europe ? Vous êtes appelés à vous déterminer par référendum ? Peu importe le résultat. L’Europe, marche vers l’universalisme, est le Bien, valeur suprême, fut-il un mot abstrait.

 

Au nom du Bien, la vérité est bafouée. Lors du « mariage pour tous », les arguments les plus fallacieux étaient avancés sans qu’il soit autorisé légalement de les réfuter. Au nom de l’égalité, l’homosexualité était affirmée supérieure. Un enfant élevé par un couple homosexuel serait plus aimé qu’un enfant élevé par un couple hétérosexuel car ce dernier ne serait pas obligatoirement désiré.

Le transsexuel plus méritant que la femme née femme ?

Les échanges sur les réseaux sociaux témoignent de l’exemple d’un transsexuel qui refuse qu’une femme puisse parler de féminité. Il se dit plus femme que peut l’être une femme de naissance. Son mérite résulte des efforts qu’il a entrepris pour devenir une femme, chirurgie et chimie.

Il y a une logique et une cohérence globale d’une doctrine dictatoriale au nom de l’égalité.

 

La défense des minorités fait partie de l’axe du Bien. La défense de la minorité s’accommode de la destruction de la majorité.  La fin justifie les moyens.

Quel contre-pouvoir à la morale dominante ?

Si nous avons appris en cours que la loi fait le droit, les idéologies dominantes ont depuis pu affirmer et instituer que la morale est au-dessus de la loi. Elle fait la loi. Le principe a été initié par Robert Badinter en 1981 avec l’abolition de la peine de mort quand la majorité du peuple et la majorité de ses représentants y étaient opposés.

Ce n’est pas porter un jugement de valeurs sur ce fait. Il s’agit de l’énonciation du fait.

Tout pouvoir a besoin d’un contre-pouvoir. Mais quel est le contre-pouvoir à cette morale émise par la pensée dominante ?

L\’expérience des singes et de l\’escabot

De même, le racisme et l’antisémitisme se portent très bien. Ils se portent de mieux en mieux.

Les personnes bien-pensantes ont inculqué que le racisme et l’antisémitisme ne sont pas des opinions mais des délits. Est-ce le meilleur moyen de les combattre ?

 

C’est peut-être vrai sur la forme. Mais sur le fond, le résultat est d’effet contraire.

Le racisme est un délit. C’est également un mode de pensée. C’est pourtant celui-là qu’il faut combattre et d’autant plus quand les zones de non-droit se multiplient

Quel respect les multirécidivistes en liberté alors qu’ils ont été condamnés à de lourdes peines peuvent-ils avoir de la loi ? Ne sont-ils pas le modèle qui relativise le respect dû à la loi ?

 

Il n’y a plus d’argument opposable au racisme et à l’antisémitisme en dehors de l’ordre moral.

C’est l’expérience des singes.

Cinq singes furent placés dans une cage avec des bananes sur un escabeau au milieu de celle-ci. Dès qu’un singe grimpait sur l’escabeau, les autres recevaient automatiquement une douche glacée. Ainsi, au bout d’un moment, à chaque fois qu’un des singes tentait de grimper sur l’escabeau, les autres le frappaient alors qu’il n’y avait plus de douche. Plus aucun singe ne se risquait à monter sur l’escabeau. Un des singes fut remplacé et la première chose qu’il fit fut de vouloir grimper sur l’escabeau. Les autres se mirent à le frapper. Un deuxième singe fut remplacé. Tous les singes furent remplacés de la sorte et le processus se prolongeait. Chaque nouvel arrivant était frappé par les autres dès qu’il voulait grimper sur l’escabeau sans qu’aucun d’eux n’ait jamais reçu de douche.

Le tabou naît quand il n’y a plus la connaissance de la cause d’une conséquence.

La validation du tabou

Nous combattrons le racisme et l’antisémitisme sans plus savoir pourquoi. Il ne s’agit pas de les légitimer. Il s’agit de ne pas se dispenser de réflexion face aux injonctions qui finissent par être paradoxales.

Cet exemple ne digresse pas de l’affaire Palmade. Elle caractérise un dysfonctionnement majeur  de notre société qui instaure des tabous.

Le problème du tabou est double. Il ne fonctionne que si la société valide son caractère. Il ne peut pas être imposé. Le tabou concerne à la fois l’objet du tabou et le principe lui-même.

Or, non seulement cela s’oppose au caractère de notre civilisation. Mais il traite de sujets de droit positif et non pas de droit naturel. Qu’on le veuille ou non, la question des minorités s’ancre dans son temps sociétal. Elle n’est pas intemporelle.

Miroir déformant des réalités

Que l’homophobie soit sévèrement réprimandée n’est pas discutable. Notre civilisation est fondée sur le principe de tolérance.  La philosophe Simone Weil voyait dans l’Iliade d’Homère le constituant du respect de l’autre. Pour l’auteur grec, les Troyens Priam ou Hector sont les égaux d’Agamemnon ou Achille. L’Iliade serait le texte fondateur de la civilisation judéo-chrétienne. Mais la manière dont les règles de vie sont aujourd’hui imposées, jusque par le mensonge, expliquent qu’il y ait une réaction.

La version contemporaine de la guerre de Troie ferait d’Achille le plus grand héros parce qu’il est homosexuel alors que son orientation sexuelle n’est pas son déterminant. Les réalités sont déformées dans un but idéologique.

La gauche est sa dépravation consentie

La réaction est violente, extrême et individualisée contre Palmade car il est le représentant de cette caste donneuse de leçons de morale.

Il n’y a pas si longtemps, le scandale Olivier Duhamel était révélé par un livre produit par l’engeance de cette famille « reconstituée ». Le titre est « les grandes familles ».

Il veut exprimer que l’inceste et les perversions existent « également » chez les grandes familles. Il y a erreur de diagnostic et falsification. Le déterminant de la famille Kouchner-Duhamel n’est pas d’être une famille bourgeoise mais d’être de Gauche.

Cette même pensée dominante condamnera Palmade. Elle en fera un individu ordinaire dans le cadre d’un fait divers. Rien ne serait arrivé s’il n’était pas drogué. Rien ne serait arrivé s’il s’était conformé au code civil. La bien-pensance ne permettra pas de dire qu’elle est la véritable cause du problème.

 

Dans un monde régi par la désinformation, tout devient politique.

Il y a, de plus, un souci à distinguer et hiérarchiser le fait divers, qui ne touche, serait-ce par procuration, que les personnes concernées dans la sphère privée, de l’affaire politique, sphère publique. C’est une question de mesure. Or, la morale que prescrit la pensée dominante ne se contente pas de postuler de sa forme de Bien. Elle se veut un absolu. Il ne faut pas faire d’amalgame. Il ne faut pas généraliser.

Il n’y a donc plus que des cas individuels  et ils ne peuvent plus confirmer la règle. C’est le principe de l’individualisation des rapports. La situation s’adapte très bien de l’événement Pierre Palmade. Nous venons de voir une mécanique générale qui permet de généraliser. Refuser la généralisation évite d’établir tout dénominateur commun. Aucune pensée ne pourra être autonome et les émotions seront contrôlées. L’égalité est une obligation et la pensée dominante veille.

L\’égalité contre a différence

Il est interdit de contester le principe d’égalité obligatoire sous peine d’exclusion, sociale et peu importe que l’égalité ne s’oppose pas à la supériorité ou l’infériorité mais s’oppose à la différence.

Il y a peut-être une raison dogmatique à ce que les mathématiques ne soient plus une discipline obligatoire au lycée …

En pensant à cette femme, victime de l’accident de Palmade et sans rien savoir d’elle, de ce qu’elle pense, nous pouvons concevoir que la morale se joue de l’équité. Elle hiérarchise les peines.

Jérusalem enterre ses enfants

Mon amie Yana Grinshpun m’adresse en privé, ce week-end, un texte qu’elle a traduit du russe après l’attentat de Jérusalem. L’affaire Palmade, au regard de cette émotion, traduit bien les différences de traitement pour tendre à ce que la sphère publique soit la sphère privée.

 

« Oui, il y a une guerre en Ukraine et des gens meurent tous les jours. Oui, en Turquie et en Syrie, un tremblement de terre a fait plusieurs milliers de victimes en quelques jours. Nous avons la paix en Israël.

Et c\’est le visage d\’une mère qui a enterré ses deux fils l\’un après l\’autre. D\’abord le petit de six ans, tué sur place dans cette attaque infernale avant-hier, la veille du shabbat. Son frère de huit ans, mortellement blessé, a rendu son âme au Créateur un peu plus tard. Le mari de la femme, père des garçons Yaakov et Asher, n\’a pas appris la tragédie immédiatement – il a lui-même été gravement blessé pendant un long moment sans connaissance, et quand il a repris conscience, il a reçu la triste nouvelle. La femme est assise sur une chaise basse avec des chaussures en cuir – c\’est la loi du deuil juif. À en juger par l\’intérieur, elle est assise dans la chambre de ces mêmes enfants qui ne sortiront jamais leurs jouets préférés de leur casier ou les livres saints de leur étagère. Ensemble, ils étaient censés s\’asseoir à la table de fête familiale à Bnei Brak, où ils allaient, en attendant le bus à cet arrêt.

Jeune marié assassiné devant son épouse

Et en tout, trois enfants ont été tués dans l\’attaque, bien que le troisième ne puisse pas être qualifié d\’enfant, malgré sa vingtaine d\’années – un homme, un mari, marié depuis cinq mois. Il est mort sous les yeux de sa jeune épouse.

Pourquoi je raconte ça, chaque Israélien le sait ? Et le reste du monde civilisé ? Et le monde civilisé ne considère pas très intéressant qu\’en ce XXIe siècle, si technologiquement avancé, où des robots dotés d\’intelligence artificielle nous raconteront bientôt les nouvelles, on continue à mentionner, parmi d\’autres tragédies qui choquent le monde, l\’information apparemment pas si nouvelle que des Juifs sont encore assassinés pour le simple fait d\’être Juifs.

Ou peut-être qu\’ils n\’en parleront pas, car comparé au reste, ce n\’est pas une tragédie, mais l\’Orient, comme on dit en russe, est un sujet très délicat.

Et l\’intelligence artificielle ne calculera pas avec un simple algorithme combien d\’enfants ne naîtront pas de ces garçons assassinés, combien de petits-enfants ne perpétueront pas leur nom de famille, combien de dizaines et de centaines de personnes appauvriront notre peuple. »

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