La Shoah à Chouchan ? Albert Bensoussan

Albert Bensoussan

 

 

La Shoah à Chouchan ?

 

 

\"\"

Esther, Élie Sarfati

 

 

 

Pourim est une fête importante, voire capitale, pour le judaïsme. Elle est mémoire de génocide et commémoration de notre salut par l’intervention divine.

Le récit de Pourim

Mais rappelons ce qu’est cette fête marquée par un jeûne de treize heures (seulement) et la lecture de la méguila. Le récit rapporte un épisode de l’histoire légendaire du peuple hébreu dans son exil babylonien.

Le roi   A’hashverosh (qui est Xerxès), dont l’empire immense va de l’Inde (Hodou) à l’Éthiopie (Koush ), donne un banquet pour célébrer le 3ᵉ anniversaire de son règne et manifester sa grandeur, notamment en exhibant publiquement la beauté de son épouse, mais la reine Vashti refuse de paraître ; en conséquence de quoi, il la répudie et fait quérir une autre épouse ; et c’est Esther, la nièce d’un de ces déportés de Jérusalem après la destruction du 1er Temple, Mordekhaï de Judée, qui est choisie comme nouvelle épouse du monarque. Entre-temps, Mordekhaï a surpris un complot contre le roi et en prévient la reine Esther, qui déjoue le projet criminel et la chose est consignée, dit-on, dans les annales du Palais.

L\’orgueil comme première forme d\’idolâtrie

Le vizir Haman , tout gonflé de suffisance, est ulcéré de voir que Mordekhaï est le seul à ne pas se prosterner devant lui, et il décide d’en finir avec tous ces Juifs qui refusent l’idolâtrie. Il consulte le « Pour », le sort – d’où le nom de Pourim – qui détermine la date du massacre : le 13 Adar. Mordekhaï, voyant dans l’édit d’extermination le signe d’une faute collective, se revêt d’un sac, fait pénitence, et le peuple avec lui va jeûner trois jours avant qu’Esther ne se présente devant le Roi pour demander l’abolition de l’édit.

Esther, une providence cachée

Esther, on ne la voit ni ne la représente : c’est un visage voilé, évanescent, mystérieux ; il est vrai que Esther vient de la racine hébraïque seter qui signifie mystère, le verbe sater, cacher soigneusement, et  hissater se cacher ; ce ne peut être plus clair. Invisible présence de notre Dieu caché.

Une autre hypothèse consiste à voir dans Esther la racine d’Aster, l’astre, l’étoile, et ce serait donc le premier d’une longue série de prénoms féminins qui chez nous, en Algérie, étaient aussi bien Étoile, Kokhava  que Nedjma, en arabe. Mais Esther s’appelle en réalité Hadassa, qui signifie myrte, la plante la plus odorante, celle que l’on retrouve dans l’assemblage du loulav de Souccot.

Sauver une vie

Le roi A’hashverosh, qui a du mal à dormir, se fait lire les annales du Palais, puis il consulte Haman : que faire d’un homme qui vous a sauvé la vie ? Haman qui croit, dans sa suffisance, que le Roi parle de lui, se retrouve, par suite de ce quiproquo, escorter Mordekhaï en habits royaux devant la foule.

Alors, humilié et ruminant sa vengeance, il projette de faire pendre Mordekhaï, et fait dresser une potence devant le Palais. Mais Esther, au cours du banquet qui suit, révèle au Roi le projet assassin de Haman ; le Roi prend alors fait et cause pour la reine et son peuple et c’est Haman qui sera pendu – lui et toute sa descendance – à la potence qu’il avait fait dresser pour son pire ennemi : le sort s’est donc retourné contre lui – jouant en somme, le Pour et le contre. Mordekhaï est nommé vizir sur toute l’étendue du royaume et le peuple juif est sauvé.

L\’intelligence des émotions

André Chouraqui, qui a magistralement traduit la Méguila, souligne « le caractère naïf d’un récit fait avant tout pour émouvoir ». Ayant mis en doute l’historicité des événements et la réalité historique des personnages, il estime qu’il s’agit là « probablement d’une composition libre, d’un récit d’imagination, écrit pour expliquer la célébration de la fête des Pourim, qui a dû être à l’origine une sorte de carnaval comme beaucoup de peuples en célèbrent à la fin de l’hiver ».

De fait, quand nous lisons la Méguila, nous ne nous rappelons pas ces personnages emblématiques et indéfiniment refoulés dans les sables d’un lointain passé, la Perse, Suse (Shush, aujourd’hui, à l’origine de mon nom, moi qui suis fils de Suse ou Chouchan : Ben Chouchan, une ville iranienne où l’on peut visiter la tombe d’Esther et de Mardochée, près de celle du prophète Daniel), Vashti, hypothétique reine répudiée, Esther, vierge d’Israël miraculeusement choisie par Dieu à travers l’adjuvant Mardochée, le bon roi A’hashverosh et le vilain vizir Haman.

Les femmes juives, de Sarah à Golda Méir

Esther reste évanescente, elle n’existe pas physiquement, elle est un visage sans traits, une beauté sans support parce que sans égale, elle est un cadre qui se remplit de toutes celles – ces femmes de justice, Judith ou Déborah – qui sont destinées à sauver Israël − tiens, tant qu’à rêver, et si c’était finalement une femme qui, réalisant enfin l’œuvre tronquée de Golda Meir, introduisait vraiment la paix en Eretz-Israël ?

Le fait est que Pourim est bien notre Carnaval, une fête de débridement et de défoulement ; l’on crie et l’on danse, on secoue les crécelles, on porte des masques, on rejoue l’histoire et on la met en scène.

Haman incarne tous les fils d\’Amalek jusqu\’à la fin des temps

Il arrive qu’on représente la marionnette de Haman avec la moustache en brosse d’Hitler. Les petites filles se déguisent en « Esther Hamalka » : les rues israéliennes en sont pleines le 14 Adar. La lecture de la Méguila, qu’on doit écouter religieusement à deux reprises, la veille au soir et au matin de la fête, est joyeusement ponctuée de bruits de crécelle aux 54 mentions du nom de Haman. Il est d’usage, enfin, de faire des cadeaux pour Pourim (michloa’h manot prescrit la Méguila : envoi – michloa’h, manah de – – présent ou don). Il faut festoyer, boire jusqu’à plus soif, et déguster une pâtisserie de circonstance qu’on appelle « oreille d’Haman » (Ozène Haman ֵ).

Un dernier mot. Ce qui fonde notre vision mythique ou mystique de Pourim c’est justement que c’est une allégorie plus qu’une prière dogmatique, d’où d’ailleurs le nom de la divinité est absent.

Pourim à Alger

Alors justement, chacun voit Pourim à sa porte : ainsi, naguère, le « Pourim d’Alger », à l’automne, célébrait la défaite de Charles-Quint devant le port d’Alger au XVIe siècle, et mon père, en son immense piété, a jeûné le 3 Hechvan jusqu’au jour où nous fûmes chassés d’Algérie ; exilé aux brumes humides de Noisy-Le-Sec, à quoi cela rimait désormais de jeûner pour sa belle ville perdue ?

Selon la circonstance historique, les personnages s’incarnent dans la modernité : l’Allemagne hitlérienne et maintenant l’Iran des mollahs nous proposent un portrait revisité de  Haman  (descendant d’Amalek), de celui qui veut nous anéantir, l’artisan de la Shoah, mais qui, avec l’aide de Dieu et de nos prières, sera lui-même pulvérisé, car s’il est une moralité dans la fête des sorts, c’est qu’en fin de compte le sort se retourne forcément contre le méchant.

Célébrer l\’espoir

Pourim a donc pour nous valeur de conjuration. C’est une fête qui, à la fin de l’hiver, nous fait sortir des ténèbres et nous libère de l’angoisse. C’est pourquoi la fête de Pourim coïncide avec le printemps et le renouveau. Pourim est une fête du souvenir, où nous pensons à tout notre peuple opprimé, réprimé, déporté, massacré à travers l’histoire, mais jamais anéanti. Pourim est la célébration de l’espoir.

 

\"\"

Albert Bensoussan

 

 

Découvrez un exemplaire du magazine gratuitement et cliquez ensuite sur le rebord droit

https://online.fliphtml5.com/rjspi/ypmm/#p=1

Votre magazine est livré chez vous en toute confidentialité
S’abonner au magazine par téléphone ou par whats app 00972 (0) 54 254 45 20 ou au 01 86 98 27 27

Par email  Andredarmon21@gmail.com  pay pal

Ou directement sur le site

https://israelmagazine.co.il/sabonner-au-magazine/

Loi du Retour ou qui est Juif ?Ou encore S’abonner au magazine livré chez vous en toute confidentialité. Remplir le formulaire

https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfPYJfb8KjEya-X17w0DGPAuBlCGvqVUdh_Is8EL810Lxw82A/viewform?entry.1189475001=Recipient_Email

1 réflexion sur “La Shoah à Chouchan ? Albert Bensoussan”

  1. Quel plaisir que de lire une si magnifique explication de ce qu’est Pourim, au-delà ‘du bruit des crécelles ! Un grand merci, cher Albert Bensoussan !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut