Réforme judiciaire : divergences de vue au sein de Kohelet ?
Par Bertrand Ramas-Muhlbach
Le 8 mars 2023, Michael Sarel (responsable économiste du groupe de réflexion Kohelet Policy Forum) a critiqué le projet de réforme judiciaire (à l’origine d’une fronde généralisée en Israël) : « la réforme causera de graves dommages à la démocratie libérale, mais aussi à l’économie du pays ». Il redoutait la volonté d’une partie des acteurs économiques israéliens de quitter le pays. Or, son statut d’économiste pouvait donner du poids à la déclaration, d’autant que Kohelet Policy Forum est l’organisme à l’origine du projet de réforme institutionnel du pays. Le Président de Kohelet, Moshe Koppel a, depuis, exprimé la position inverse.
Assurer l\’indépendance de la Knesset
Rappelons que la réforme judiciaire envisagée en Israël résulte de la nécessité de renforcer l’indépendance du pouvoir législatif à l’égard du pouvoir judiciaire. En effet, dans l’arrêt Bank Mizrahi de 1995, la Cour suprême a reconnu le statut constitutionnel des lois fondamentales israéliennes (en l’absence de Constitution) et s’est arrogé le droit de contrôler la constitutionnalité des lois.
Pour Moshe Koppel : « Le Forum Kohelet a eu une position claire depuis sa création par rapport à la nécessité d\’équilibrer l\’activisme judiciaire et d\’ancrer la suprématie de la Knesset afin de garantir les droits politiques des citoyens d\’Israël ». Il a alors défendu le projet dans ces termes : « La réforme proposée renforcera la démocratie israélienne et freinera une tendance inquiétante à l\’érosion de la capacité des citoyens à influencer leur destin sans nuire au caractère libéral de l\’État ».
Kohelet : une influence croissante sur les politiques de divers camps ?
Kohelet Policy Forum est un institut de recherche qui s’est fixé pour objectif d’assurer « l’avenir d’Israël en tant qu’État-nation du peuple juif, pour renforcer la démocratie représentative, étendre les libertés individuelles et approfondir les principes du marché libre ». Des milliardaires juifs américains (de sensibilité sioniste-religieux et libéral, sur le plan économique) comme Arthur Danczyk ou encore Jeffrey Yass (bailleur de fonds du Parti républicain) ont contribué à son financement. Le Forum considère que les mécanismes du socialisme, hérités des premiers temps de l’État d’Israël, doivent disparaitre.
À cet égard, le think-tank influence les politiques israéliennes de diverses manières : Kohelet Policy Forum diffuse des mails auprès des ministères, mais aussi des magistrats, voire publie des articles dans la presse. Les membres de la Knesset demandent d’ailleurs régulièrement au forum de leur fournir des avis. Parmi les anciens députés qui ont eu recours à ses services, on peut citer Ayelet Shaked, Naftali Bennett, Amir Ohana voire encore Gideon Saar. Pour sa part, le Ministre Likoud de l’Économie, Nir Barkat (ancien maire de Jérusalem), s’est dit extrêmement satisfait du plan de Kohelet visant à peupler les zones désertiques de Judée Samarie (sous contrôle israélien, en vertu des accords israélo-palestiniens de paix d’Oslo) : il propose même de le rebaptiser « Plan Barkat ».
Rappeler l\’histoire juive
Les liens entre les responsables politiques et les membres de Kohelet sont très serrés : la chef de la politique éducative du forum, Avital Ben-Shlomo, est très proche du ministre de l\’Education Yoav Kisch. Ses préconisations ont ainsi permis d’annuler la réforme d’Yifat Shasha Bitton, ministre sortante, qui avait supprimé la plupart des épreuves du baccalauréat et notamment l’histoire, la Bible, la littérature et l’éducation civique.
L’influence de Kohelet n’est en réalité pas nouvelle : en 2019, le forum est parvenu à lever 23 millions de shekels pour financer les salaires, la recherche, la production d\’articles, de films d’événements et de conférences (130 personnes sont employées par l\’institut). Pour autant, et au cours de ces dernières années, les Israéliens n’avaient pas connaissance de ce groupe de réflexion qui agissait auprès des responsables politiques. Désormais, ses interventions font l’objet de communications plus régulières : en 2022, le directeur exécutif du forum, Meir Rubin, a critiqué la manière dont l’État d’Israël dépensait l’argent du contribuable, estimant qu’il s’agissait de « gaspillage » (Yair Katz, président du Comité des travailleurs des industries aérospatiales s’était alors inquiété de la vision ultra-libérale de Kohelet Policy Forum).
Des think-tanks derrière chaque coin de l\’hémicycle ?
Notons que Kohelet Policy Forum n’est pas le seul institut de recherche qui influence la Knesset ou la vie publique : il en est d’autres comme Israel Democracy Institute (IDI, dirigé par Yohanan Plesner, ancien depute Kadima), Molad (dont la sensibilité est de gauche), Darkenu qui dispose d’un media, DemocraTV, voire encore l\’antisioniste New Israel Fund (fondé en 1979 et financé par des juifs américains proches du Parti démocrate).
Toujours est-il que les préconisations du forum sont loin de faire l’unanimité auprès de la population israélienne : le 9 mars 2023, des Israéliens ont d’ailleurs manifesté devant le siège du Kohelet Policy Forum à Jérusalem lors de la « Journée de la résistance » : les manifestants y ont même bloqué l’entrée.
La fronde du High-Tech va t-elle tourner court ?
De même, le projet de réforme inquiète le monde de la haute technologie. De nombreux acteurs économiques israéliens ont même incité au départ des entreprises ou au transfert des fonds à l’étranger : le 25 janvier 2023, le gouverneur de la Banque d\’Israël Amir Yaron a informé Netanyahu de ce que la réforme judiciaire pourrait nuire à l\’économie du pays. JP Morgan (leader mondial des services financiers dont le siège est en Israël) a indiqué, le 3 février 2023, que la réforme pourrait impacter la cote de crédit souveraine d\’Israël. Même conclusion pour Maxim Rybnikov, directeur de S&P Global Ratings.
De même, les dirigeants des grandes banques israéliennes ont alerté le Ministre des Finances Betzalel Smotrich d’une augmentation considérable des demandes de transfert d’argent des investisseurs vers des banques étrangères. Dans le journal financier Calcalist , Adam Fisher (associé de la branche israélienne de la principale société américaine de capital-risque Bessemer) a rappelé que depuis l’ouverture de la branche israélienne, 1,5 milliard de dollars avaient été investies dans 75 start-up israéliennes mais que les investisseurs israéliens pourraient prochainement quitter le pays.
Clubs de désinvestisseurs ou le BDS new look
Yinon Costica, fondateur du fonds de capital-risque local Disruptive AL, Wiz, (valorisé à 6 milliards de dollars), avait retiré des dizaines de millions de dollars des banques israéliennes pendant que Shaul Olmert, co-fondateur et PDG de Piggy, retirait 70 % des liquidités de l\’entreprise.
Pour sa part, Eynat Guez (PDG de Papaya Global qui est parvenu à lever plus d\’un demi-milliard de dollars auprès d\’investisseurs étrangers) envisageait de quitter le pays tout comme Tom Livne, PDG de Verbit (2 milliards de dollars) qui ne craignait pas de le faire (et d’arrêter d’y payer ses impôts). Même Ori Hadomi, PDG de l’entreprise publique Arbe Robotics appelait tous les dirigeants à transférer leur fonds à l\’étranger…
Les acteurs économiques se sont depuis ravisés (notamment en raison de la faillite de la Silicon Vallee bank) : sur recommandations du Ministre des Finances Smotrich, les start-ups israéliennes ont décidé de rapatrier leurs fonds sur des comptes israéliens. Le Gouvernement gagnerait néanmoins à apaiser les tensions dans le pays.
La suite de l’article se trouve dans le prochain numéro d’Israël Magazine
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