Réforme judiciaire, contrôle constitutionnel et séparation des pouvoirs

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Réforme judiciaire, contrôle constitutionnel et séparation des pouvoirs

Par Bertrand Ramas-Muhlbach

Le 13 février 2023, la Knesset doit examiner la première partie de la réforme judiciaire annoncée par le premier Ministre Benjamin Netanyahou (à l’origine d’une fronde importante en Israël et de manifestations à répétition depuis le mois de janvier 2023). Les modifications envisagées portent sur la restriction des prérogatives de la Cour Suprême (dans sa faculté de bloquer des lois adoptées par la Knesset) et sur le mode de nomination des juges. Si d’aucuns redoutent une manipulation des institutions étatiques (dans l’intérêt, notamment, du Premier ministre) et une atteinte au principe démocratique de l’État d’Israël, il est devenu nécessaire (en l’absence de constitution en Israël) de mettre en place un mécanisme spécifique de contrôle de la constitutionnalité des lois dans le respect d’une parfaite séparation des pouvoirs.

Une constitution qui n\’en est pas réellement une

Lors de la création de l’État d’Israël (le 14 mai 1948), la déclaration d’indépendance a prévu l’adoption d’une constitution : « La mise en place des institutions élues et régulières de l\’État se fera conformément à la Constitution qui sera établie par l\’assemblée constituante élue··· ». Or, cette assemblée constituante (chargée d\’élaborer une Constitution pour l\’État d\’Israël), a bien été élue en 1949 et a même changé son nom pour porter celui de « Première Knesset ». Néanmoins, aucune Constitution n’a été adoptée compte tenu de ses nombreux détracteurs (avant que la Première Knesset ne s’autodissolve en 1951).

Le régime des Lois Fondamentales

La Première Knesset avait toutefois pris soin d’adopter une décision dénommée « Harari » prévoyant que la Constitution serait élaborée « chapitre par chapitre » appelé « loi fondamentale » (leur rédaction ayant été confiée à « la commission des lois et de la justice de la Knesset »). Plus précisément, la décision Harari a stipulé : « La première Knesset charge la commission des lois et de la justice la tâche de préparer une Constitution pour l\’État. Cette Constitution consistera en des chapitres séparés, chacun constituant une loi fondamentale propre. Ces chapitres seront présentés à la Knesset··· et tous les chapitres seront réunis et formeront la Constitution de l\’État ». En outre, une loi de transition a prévu que cette disposition s’appliquerait « à toutes les Knesset qui se succèderont ».

L’inconvénient résulte de ce qu’à ce jour, l’État d’Israël compte 13 lois fondamentales (la dernière étant celle du 19 juillet 2018 sur l’État Nation du peuple juif) mais aucune Constitution n\’a vu le jour. Une « révolution constitutionnelle » s’est toutefois produite dans les années 1990.

Les lois fondamentales sont-elles au-dessus des lois ?

En 1992, la Knesset a adopté deux lois fondamentales :  l’une sur la liberté d\’occupation professionnelle et la seconde sur la dignité de l\’homme et sa liberté. Or, ces Lois fondamentales ont prévu une disposition organisant une hiérarchie entre les lois ordinaires et ces Lois fondamentales : « On ne peut porter atteinte aux droits inscrits dans la présente loi que par une loi qui sied aux valeurs de l\’État d\’Israël, dont le but est approprié, et uniquement dans la mesure nécessaire·· »

Or, et sur le fondement de cette disposition, la Cour Suprême a entamé sa « révolution constitutionnelle » : Dans un arrêt de 1995 (HCJ 6821/93 United Mizrahi Bank v. Migdal 49, PD 221), la Cour suprême a reconnu le statut constitutionnel (« au-dessus des lois ») des lois fondamentales, leur possibilité de restreindre les prérogatives de la Knesset, et le pouvoir de la Cour Suprême de contrôler la constitutionnalité des lois. Ainsi, et depuis 1995, une loi portant atteinte à l’un des droits mentionnés dans les lois fondamentales de 1992 peut être déclarée nulle par la Cour suprême.

La toute-puissance de la Cour Suprême

Pour autant, et depuis cette décision, le processus constitutionnel s’est arrêté en Israël et la Cour suprême se charge non seulement de veiller à la constitutionnalité des lois votées, mais elle reconnait également des Droits de l\’homme qui n\’ont pas été inclus dans les lois fondamentales.

Ainsi, la Cour suprême est devenue toute-puissante en Israël : plus haute instance d\’appel, elle siège également en tant que Haute Cour de Justice (c\’est-à-dire qu’elle statue en première et dernière instance dans les affaires à caractère « public »). Par ailleurs, c’est elle qui contrôle la constitutionnalité des Lois, bien que cette compétence n’ait toujours pas été reconnue dans une Loi fondamentale (un projet proposait d’organiser un tel contrôle, mais il n’a pas été voté). Autrement dit, la Cour suprême s’est arrogée une compétence constitutionnelle alors même qu’aucune Loi ne le prévoit.

Ce que change la révolution constitutionnelle

Depuis cette révolution constitutionnelle, la Knesset veille à la conformité des Lois votées aux règles fixées par les lois fondamentales (sous peine d’être annulées par la Cour suprême grâce à son contrôle de constitutionnalité des lois).

Prosaïquement, toute personne qui invoque la violation d’un droit protégé par une des lois fondamentales (qui protège les droits de l\’homme) peut présenter un recours direct à la Cour suprême, en sa qualité de Haute Cour de Justice.

Ainsi, et Progressivement, la Cour suprême a inclus des droits non explicitement visés dans les lois fondamentales en invoquant le droit à la dignité, comblant ainsi un vide juridique. À titre d’exemple, la Cour suprême israélienne a posé que certains aspects du droit à l\’égalité (liés à la dignité humaine) bénéficieront d\’une protection constitutionnelle, comme la liberté d\’expression politique…

Ce que prévoit le plan Levin

Le 5 janvier 2023, Yariv Levin a fait part de son plan de réforme du système juridique. Avec le projet de loi sur la limitation du contrôle judiciaire (proposé par Simcha Rothman, député du parti HaTzionout HaDatit, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset), prévoit que la Knesset pourrait adopter un texte de loi avec une clause « dérogatoire », et surseoir aux décisions de la Cour suprême avec un vote à la majorité simple de 61 députés (même si elle contrevient à une Loi fondamentale). Par ailleurs, la Haute Cour ne pourrait invalider un texte législatif que dans un jugement pris à l’unanimité des 15 juges de la Haute Cour.

Limitation ou invalidation du rôle de la Haute Cour

Autrement dit, de telles limitations priveraient la Cour Suprême d’invalider une loi et, abolirait presque entièrement son contrôle constitutionnalité.

Le second projet vise à permettre au chef du Shas, Aryeh Deri, d’être nommé ministre, en dépit de l’interdiction posée par la Haute Cour de justice (celle-ci a jugé que la nomination de Deri était « déraisonnable à l’extrême » compte tenu de sa condamnation en 2022 pour fraude fiscale, et celle de 1999 pour corruption). L’amendement à la Loi fondamentale sur le Gouvernement prévoit l’impossibilité pour un Tribunal d’exercer un contrôle judiciaire sur la nomination des ministres et la faculté de le démettre de ses fonctions.

Il est donc urgent que l’État d’Israël achève sa législation sur la Constitution de l’État (ainsi que sur le contrôle de constitutionnalité des Lois) et qu’il légifère sur les conditions de l’inéligibilité d’une personne, respectant ainsi la séparation des pouvoirs.

La suite de l’article se trouve dans le prochain numéro d’Israël Magazine

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