Port de Haifa : la privatisation face aux remous financiers

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L\’acquisition du port de Haïfa est considérée comme une grande victoire stratégique de l\’Inde sur la Chine

Port de Haifa : la privatisation face aux remous financiers

Par Bertrand Ramas-Muhlbach

Le 31 janvier 2023, la société indienne Adani Ports and Special Economic Zone Ltd et la société israélienne Gadot Chemical Terminals ont fait l’acquisition du port de Haïfa, moyennant le versement d’une somme de 4 milliards de shekels (respectivement à hauteur de 70% et de 30%). Le Premier Ministre Benjamin Netanyahou s’en est félicité : « l’opération permettra aux acteurs asiatiques de bénéficier d’un moyen d’accès vers la Méditerranée, sans avoir à contourner la péninsule arabique (et à transiter via le canal de Suez) ». En outre, l’opération ne devrait (en principe) pas être impactée par les remous financiers contemporains que traverse le groupe Adani.

Le cadre général de la privatisation

Le principe de la privatisation d\’entreprises publiques israéliennes avait été annoncé en octobre 2014, dans un triple objectif : accroître l\’efficacité de leur gestion, diminuer la dette nationale et lutter contre la corruption. Les ports d\’Ashdod et de Haïfa figuraient déjà parmi les structures étatiques dont la privation était envisagée.

C’est le Groupe Adani (crée en 1988), troisième groupe industriel indien (derrière Tata et le conglomérat Ambani Reliance Industries), qui a été retenu dans le consortium. Ses activités sont largement diversifiées tant dans le transport (gestion de ports et d’aéroports) que dans l’énergie (exploration pétrolière et pétrochimie, production et distribution d’électricité thermique produite avec du charbon, installateur de parcs solaires et éoliens, distribution de gaz urbain), l’aéronautique (un accord a été signé avec Airbus en 2020), les matériaux de bâtiments (notamment le ciment), le domaine agricole (huiles alimentaires et stockage de céréales), ou encore l’adduction d’eau, les services financiers, les médias, …

Un partenaire de la Défense israélienne

Dans le domaine de la défense, le groupe Adani est déjà très présent en Israël : depuis 2016, il a conclu de nombreux partenariats avec Elbit Systems, Israel Weapon Systems et Israel Innovation Authority. Rappelons que les sociétés du groupe indien coproduisent également des armes israéliennes comme les fusils d\’assaut Tavor X95, les mitrailleuses Negev, les fusils de sniper Galil ou encore les drones Hermes 900 à moyenne altitude et longue endurance. Enfin, New Delhi est le plus gros acheteur d\’armes israéliennes (2 milliards de dollars annuels).

L’investissement du groupe Adani s’inscrit dans des liens historiques très puissants entre l’Inde et la ville de Haïfa : en septembre 1918, les soldats indiens originaires de Mysore, Hyderabad et Jodhpur ont combattu aux côtés des Anglais pour libérer la ville du contrôle ottoman. Benjamin Netanyahou n’a pas manqué de le rappeler : « pendant la Première Guerre mondiale, ce sont de courageux soldats indiens qui ont aidé à libérer la ville de Haïfa et aujourd\’hui, ce sont des investisseurs indiens très solides qui aident à libérer le port de Haïfa » (la société Adani entend également transformer l’horizon de la ville et son immobilier).

Haïfa, le grand port israélien en eaux profondes

L’opération israélo-indienne a également une portée symbolique dans la mesure où l’histoire de la ville de Haïfa est intimement liée à celle du sionisme : pendant l’époque du Mandat Britannique, les Juifs ont entrepris les travaux pour en faire un port eau profonde. Entre 1920 et 1930, Haïfa a profité de son emplacement stratégique pour devenir un centre administratif et économique. Haïfa a également été le point de ralliement des milices juives Palyam, unité navale de la Haganah en charge du sabotage des navires britanniques et du sauvetage des réfugiés juifs incarcérés dans les camps de détention britannique (au début de la seconde guerre mondiale). Après la seconde guerre mondiale, la ville est restée le point de passage de milliers de migrants juifs.

Tout au long du XXème siècle, l’essor de la ville a été fulgurant : en 1918, Haïfa comptait 22 000 habitants (dont 3 000 juifs) alors qu’en 1947, le chiffre est passé à 140 000 (dont la moitié de Juifs). Le plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947 a naturellement précisé que la ville serait intégrée au nouvel état juif. Haïfa est, aujourd’hui, le plus grand des trois ports d\’Israël, devant Ashdod et Eilat : y transite la moitié de toutes les marchandises importées ou exportées (c’est le deuxième d\’Israël en termes de conteneurs maritimes et le plus grand en nombre de navires de croisière touristiques).

Un hub asiatique en Israël

Bien évidemment, les objectifs du groupe Adani ne s’arrêtent pas au port de Haifa : il compte injecter des sommes dans les domaines innovant tels l\’intelligence artificielle (en finançant un laboratoire à Tel Aviv), mais aussi acquérir des participations dans les entreprises européennes, commercialiser ses produits vers l’Europe et, enfin, devenir une sorte de hub pour les firmes asiatiques qui souhaitent développer la commercialisation de leurs produits depuis la plateforme israélienne. L’opération pourrait alors rapidement faciliter la mise en place d’accords de libre-échange entre Israël, l\’Inde et l\’Union européenne.

Un point d\’ancrage des relais d\’Abraham vers l\’Asie

Sur le terrain économique, la privatisation du port de Haïfa est la première opération du groupe I2U2 (composé des États-Unis, d’Israël, de l’Inde et des Émirats arabes unis) dans le prolongement des accords d’Abraham. Benjamin Netanyahou a donc confirmé à son homologue (et ami) indien, Narendra Modi, sa « volonté de renforcer une connectivité entre nos pays de plusieurs manières, des lignes de transport, des routes aériennes et des routes maritimes… et ça commence aujourd\’hui ». Une fois encore, les accords d\’Abraham initiés par l’ancien Président Donald Trump devraient rapidement modifier le profil de l’organisation logistique en Méditerranée : il s’agit sans conteste d’une victoire économique pour l\’Inde et Israël.

Un labyrinthe fiscal ?

Le Groupe Adani n’en reste pas moins confronté à des difficultés financières. Dans un rapport publié le 24 janvier 2023, La société d’investissement américaine Hindenburg Research a dressé un rapport très sévère sur les comptes du groupe Adani, affirmant notamment que le dirigeant Gautam Adani se livrerait, depuis des décennies, à« une fraude comptable et une manipulation des cours » de ses actions, constitutive d’une véritable « escroquerie ». Plus précisément, le Groupe Adani comprendrait « un vaste labyrinthe d’entités écrans offshore » gérées par un autre membre de la famille et situées à l’île Maurice, Chypre, Singapour, aux Émirats arabes unis et dans les Caraïbes. Or, ces sociétés intercalaires injecteraient des fonds dans les sociétés du groupe pour « maintenir une apparence de santé financière et de solvabilité », voire manipuleraient le cours des actions pour augmenter leur valeur. Pour la société accusatrice, les sociétés cotées seraient artificiellement « surévaluées de 85 % ».

Fluctuations des marchés

Les dirigeants du groupe Adani se sont défendus en qualifiant les accusations de « combinaison malveillante de désinformations » et « d’allégations infondées ». Les effets ont toutefois été dévastateurs : le 30 janvier 2023, la capitalisation boursière d’Adani a un perdu de 72 milliards de dollars (sur les 240, un mois plus tôt) et, le 6 février 2023, Bloomberg estimait les pertes du groupe à 117 milliards (la moitié de sa valeur boursière), susceptibles d’impacter les 26 000 salariés…

La société américaine, GQG Partners Inc, a, pour sa part, entendu rassurer en annonçant investir a hauteur de 1,88 milliard de dollars dans le groupe et 4,1% dans Adani Ports (soit 640 millions de dollars). Le cours des actions des quatre sociétés Adani a alors immédiatement repris entre 5 et 10 % et la roupie indienne s\’est renforcée par rapport au dollar américain. Les bénéfices de la privation du port de Haïfa ne devraient donc pas en être amoindris.

 

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